Danny Boyle

Publié le par Luluche

Danny Boyle : money or not money ?

 
        Danny Boyle, c’est “Trainspotting”. Danny Boyle, c’est “Petits meurtres entre amis”. Danny Boyle c’est « la Plage ». Mais Danny Boyle c’est aussi « 28 jours plus tard » et « Sunshine ». Que dire de ces deux derniers, si ce n’est que Boyle s’attaque subitement en 2002 à un genre plus commercial, celui du film d’épouvante, puis en 2007 au film de science fiction à gros budget. Les fans peuvent alors s’interpeller, se demander ce qui est arrivé à ce réalisateur et producteur britannique plutôt habitué aux petites productions indépendantes loin des facéties de l’industrie hollywoodienne.

Et bien Danny ? Besoin de money ? Voilà une conclusion qui serait bien facile et bien simpliste, cantonnant ce réalisateur hors pair dans la catégorie peu reluisante des réalisateurs avides de recettes et de succès.

 

  « Sunshine » ou le virage commercial inattendu

 

Alors que son dernier film, le huit clos futuriste  « Sunshine » sort dans les bacs en DVD à l’occasion des fêtes de fin d’année, je ne peux m’empêcher de me demander : mais qu’est-il arrivé à Danny Boyle entre « Trainspotting » et « Sunshine » ? Comment est-il passé d’un junkie en mal de repères à une planète en mal de soleil, destinée à disparaître en entraînant peu à peu ses habitants dans l’obscurité comme Mark Renton s’enfonçait lentement entre les fibres de son tapis de salon?

 


Effectivement, dis comme ça, les délires ’heroïnisés’ du héros de « Trainspotting », Renton, semblent bien loin de la lutte des scientifiques d’Icarus II qui, dans « Sunshine », s’apprêtent à tenter le tout pour le tout pour rallumer le Soleil et sauver l’humanité.

Pourtant, il y a bien un fil conducteur entre ces deux films comme entre ceux qui jonchent le parcours de Boyle, de « Petits meurtres entre amis » à « 28 jours plus tard » en passant par « La plage », « Millions » et « Une vie moins ordinaire ». Ce lien ? Le huit clos. Boyle est indubitablement un amoureux du huit clos, et ça tombe bien, moi aussi !

 

Danny Boyle : petits films entre amis

Ce britannique polyvalent, né en 1956 à Manchester, est à la fois réalisateur et producteur de la plupart de ses films, soutenu très tôt dans sa tache sur la plupart de ses productions par le scénariste John Hodge et le producteur Andrew McDonald. Leur collaboration commence dès 1995 sur le très acclamé « Shallow Grave » (« Petits meurtres entre amis ») qui annonce le début d’une carrière prometteuse avec un premier film amer, noir, qui nous plonge dans la vie de trois colocataires qui voient leur belle amitié chamboulée par l’apparition d’une valise remplie d’argent, abandonnée là par leur nouveau colocataire, retrouvé mort dans sa chambre un matin.

Ewan Mcgregor, alors peu connu à l’époque, y crève l’écran aux côtés de ses deux accolytes Kerry Fox et Christopher Eccleston, tous trois emportés dans une danse macabre et destructrice, déchirés par l’envie, la jalousie et l’avidité face à une valise et un corps à dissimuler. Une véritable descente dans les abîmes les plus profonds de la cupidité humaine, une peinture amère et sanglante de la cruauté et des vices de l’Homme, huit clos angoissant entre ces personnages si proches et si distants à la fois.


« L’homme est un animal social », Aristote

Ce thème de la cruauté et de l’égoïsme entre proches, Boyle va le réemployer à plusieurs reprises, d’abord dans « La plage » en 2000, où le bien-être de la collectivité prime sur la vie de l’individu, puis dans « 28 jours plus tard » en 2002 (et son séquelle « 28 semaines plus tard » de 2007, dont Boyle est le producteur) où une contamination inéluctable amène des familles à se mutiler et se détruire entre elles sous l’influence de leurs pulsions les plus sanguinaires.

 

 

Boyle est donc un amateur de ces histoires qui soulignent les failles de l’Homme, les défauts de ce prétendu animal social, capable des plus belles choses comme du pire.

Dans « Une vie moins ordinaire » en 1997, Boyle s’attaque cette fois ouvertement à la comédie, « Trainspotting » ayant déjà prouvé son art de l’humour noir et décalé. Autant dire que sous sa plume et celle de Hodge, les frasques de Robert et Céline (respectivement Ewan McGregor et Cameron Diaz) sont autant de scènes farfelues et déjantées que de personnages sortis tout droit d’un cerveau embrumé.  Sur les traces de Robert, un pauvre employé raté se retrouvant du jour au lendemain ravisseur de la fille de son patron, le réalisateur les plonge corps et âme dans une descente aux enfers psychédélique, les deux héros se voyant poursuivis par deux anges gardiens pas très orthodoxes bien décidés, contrairement aux idées reçues, à les traquer et les liquider.

On est bien loin malgré tout de l’humour noir de son œuvre principale, « Trainspotting », tiré du roman éponyme d’Irvine Welsh, dépeignant la vie tragi-comique d’une bande de marginaux d’Edimbourg emportés dans le chaos de la drogue, de l’alcool, du sexe et des deals. Mark Renton, au fil de ses tentatives de désintoxication, pose alors un regard lucide sur sa condition de drogué et sur la déchéance de son groupe d'amis.

Applaudit à Cannes en 1996 pour sa portée sociale et sa vision frappante de la jeunesse écossaise, on peut sans conteste choisir ce long métrage comme oeuvre phare de la carrière de Boyle, très représentative des inspirations du réalisateur et de ce qu’il semble chercher à illustrer : les déboires et vices de ‘monsieur tout le monde’, du pauvre bougre qui ne cherche qu’à trouver un sens à sa vie dans une société qui ne laisse place à aucun véritable épanouissement personnel.

Et le Soleil dans tout ça ?

Je vous entends d’ici : quel rapport dans ce cas avec « Sunshine », cette grosse production pleine d’effets spéciaux qui raconte une énième fois les aventures de scientifiques cherchant à sauver le monde ?

Et bien si on ne peut nier que la trame du film reste dans la même lignée que celle des habituels blockbusters hollywoodiens, il faut toutefois voir le film et s’y pencher ne serais-ce qu’une seconde pour se trouver en plein huit clos futuriste, mettant en scène des hommes et des femmes ordinaires, se retrouvant contraints de choisir suite à un incident technique entre leur vie ou celle d’un de leurs coéquipiers et la réussite de leur mission.

Comment choisir qui sacrifier pour que les autres puissent mener la station Icarus II à destination ? Voilà les questions que se posent les héros de ce drame de science fiction à mi chemin entre « le huitième passager » et « Armageddon ». Sept personnages qui se déchirent et se sacrifient, sans toutefois oublier leurs rêves… chacun d’entre eux partage cette fascination pour le Soleil, prêt à se laisser consumer ne serais-ce que pour contempler une seconde la pleine luminosité de cet astre qui les détruit peu à peu.

Espoir ou pessimisme ? J’ai toujours été une grande optimiste, aussi je préfère voir dans les films de Boyle une image désacralisante et réaliste de la nature humaine faite pour que chacun accepte la part d’horreur qu’il a en lui pour mieux en apprécier les bons côtés.

Boyle « réalisateur social » ? Définitivement oui.

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